Choc anaphylactique
Résumé
L’anaphylaxie ou réaction anaphylactique est un terme réservé à une réaction grave d’hypersensibilité immédiate, allergique ou non allergique. Elle se définit par la combinaison de signes et symptômes atteignant au moins deux organes. La présence d’une chute tensionnelle définit le choc anaphylactique. Les étiologies sont nombreuses, les médicaments étant la principale cause. L’utilisation plus fréquente actuellement de certains d’entre eux, notamment céphalosporines, quinolones et bleu patenté, est responsable de l’émergence de cas à ces médicaments. L’anaphylaxie alimentaire sévère est quant à elle en progression importante avec là aussi l’apparition de nouvelles causes telles que les laits de chèvre et brebis. L’enquête allergologique est indispensable, à la recherche minutieuse des circonstances d’apparition du choc. Dans les chocs peropératoires, les dosages d’histaminémie et tryptasémie peuvent démontrer, a posteriori, la dégranulation des basophiles et mastocytes. Alors que les modèles animaux d’anaphylaxie passive à IgE ou IgG1 ont clairement montré la responsabilité de l’activation de ces cellules dans l’induction du choc anaphylactique, de nouveaux mécanismes physiopathologiques sont en cours d’investigation. La Société Française d’Anesthésie et Réanimation vient de mettre à jour la stratégie de prise en charge du choc anaphylactique.
L’adrénaline reste le traitement clé. La prévention passe par un diagnostic de certitude.
L’adrénaline reste le traitement clé. La prévention passe par un diagnostic de certitude.
1. Définition
Le choc anaphylactique est un trouble hémodynamique grave, résultant le plus souvent de l’activation des IgE présentes sur les basophiles et les mastocytes. Plus rarement, le
choc peut ne pas procéder selon un mécanisme immunologique, mais être d’aspect clinique et de traitement identiques (on parlait autrefois de « choc anaphylactoïde »). C’est une urgence médicale. L’efficacité du traitement dépend de sa reconnaissance rapide et de l’injection immédiate d’adrénaline, associée aux mesures de remplissage vasculaire. Les autres thérapeutiques (antihistaminiques, glucocorticoïdes) ne sont pas des médicaments d’urgence. Les étiologies sont nombreuses dominées par les réactions médicamenteuses, les aliments, les venins, le latex. L’enquête allergologique est indispensable, permettant de mettre en place les mesures de prévention des récidives. Ce n’est que récemment que des progrès dans la compréhension de ce choc ont été faits.
Cet article passe en revue les différents aspects, notamment les plus récents, du choc anaphylactique.
La réaction allergique est une réaction immunologique pathologique, lors d’un contact renouvelé avec un antigène, survenant chez un individu sensibilisé. La réaction d’hypersensibilité immédiate peut être allergique (habituellement liée à la présence d’IgE spécifiques, parfois d’IgG) ou non allergique (anciennement « réactions anaphylactoïdes », le plus souvent par histamino-libération non spécifique). L’anaphylaxie ou réaction anaphylactique est un terme réservé à une réaction grave d’hypersensibilité immédiate, allergique ou non allergique. Elle se définit par la combinaison de signes et symptômes atteignant au moins deux organes. La peau (urticaire, angio-oedème) est impliquée dans 90 % des épisodes.
La conjonctivite est inclue dans les atteintes muqueuse. D’autres organes peuvent être impliqués comme les voies aériennes inférieures (dyspnée, sibilances, hypoxémie) chez plus de 50 % des patients, les voies aériennes supérieures (oedème laryngé ou pharyngé, comme l’oedème de la langue) chez un peu plus de 20 % des patients, le tractus gastro-intestinal (nausées, vomissements, diarrhée, douleurs abdominales), et le système cardiovasculaire avec ses conséquences sur la vascularisation cérébrale (malaise, vertiges,
syncope, hypotension et collapsus) chez un tiers des patients. La présence d’une chute tensionnelle n’est pas obligatoire pour parler d’anaphylaxie. La chute tensionnelle définit le choc anaphylactique et peut être isolée sans signes cutanés ou respiratoires (10 %).
2. Épidémiologie et étiologies
Les étiologies sont nombreuses et doivent être recherchées minutieusement à travers l’analyse des circonstances d’apparition du choc. En Angleterre par exemple, où les
hospitalisations pour anaphylaxie ont augmenté ces dernières années (de 56 par million en 1991 à 102 par million en 1995), le travail de Richard Pumphrey sur 214 décès par anaphylaxies (de 1992 à 2001) montre que les médicaments sont la première cause suivis par les aliments et les piqûres d’insectes. Ce sont donc, par ordre de fréquence les médicaments, les aliments, les venins d’insectes, l’effort physique.
2.1. Médicaments
Ils représentent les agents les plus fréquemment impliqués, avec principalement les ß-lactamines et les myorelaxants.
Les injections d’extraits allergéniques au cours de la désensibilisation spécifique sont également capables d’induire des réactions anaphylactiques. L’utilisation plus fréquente
actuellement des céphalosporines est responsable de l’émergence de cas à ces médicaments. Il en va de même pour les quinolones. En péri-anesthésie, on a vu apparaître des cas d’anaphylaxie au bleu patenté violet utilisé pour repérer le ganglion sentinelle au cours des chirurgies de cancers du sein ou de mélanomes.
2.2. Aliments
Pratiquement tout aliment peut entrainer une réaction anaphylactique, mais les aliments les plus souvent responsables sont l’arachide, l’oeuf, les noix, le poisson, les crustacés.
Ils représentent selon les études (et les pays) 10 à 41 % des chocs anaphylactiques. Bock rapporte 32 cas de décès par allergie alimentaire répertoriés, entre 1994 et 1999, dans le registre national établi par l’American Academy of Allergy, Asthma and Immunology [10]. L’anaphylaxie alimentaire sévère est en progression importante depuis le début des années 2000 : d’un facteur 5 en Australie dans la population pédiatrique entre 1994 et 2004 et 7 au Royaume-Uni chez les enfants de moins de 14 ans entre les années 1990-2001 et 2003-2004 [11]. Depuis 2002, le Réseau d’Allergovigilance a rapporté de nombreux cas
d’anaphylaxies sévères dues à des allergènes récents : mollusques (37 cas), farine de lupin (28), noix de cajou (28), laits de chèvre et de brebis (14), sarrasin (25), isolats de blé
(11). En 2007 ont été publiés les premiers cas d’anaphylaxie à des allergènes émergents tels que le quinoa, l’orge vert, la grenouille, la carotte et des fruits comme l’orange et la nectarine.
2.3. Venins d’insectes
Les venins, principalement d’hyménoptères (abeilles, guêpes, frelons), représentent une cause fréquente d’anaphylaxie.
En Suisse c’est la première cause de réactions anaphylactiques sévères responsables de décès chaque année. L’âge et les pathologies cardiovasculaires associées sont des facteurs de risque de décès. Dans une étude récente, 11,6 % de ces anaphylaxies (44/379) avaient un taux élevé de tryptase sérique, correspondant deux fois sur trois à une mastocytose systémique.
2.4. Anaphylaxie induite par l’effort
Un choc anaphylactique (souvent moyennement sévère) peut survenir au cours de l’effort (et ne pas se répéter forcément après tous les efforts). Il peut n’apparaître qu’après
l’ingestion de certains aliments (fruits, coquillages notamment) associés ou non à la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens. Plusieurs aliments ont été impliqués et peuvent
donner lieu à des manifestations de gravité variable.
Dans le cas spécifique de celle liée au blé, l’exercice est responsable de l’activation de l’enzyme intestinale transglutaminase qui, à son tour, forme un agrégat peptidique avec la fraction omega-5 (gliadine) des protéines du blé se liant alors avec une forte affinité aux IgE spécifiques.
2.5. Autres étiologies
Parmi les autres étiologies on peut mentionner, le latex (2e cause de chocs anaphylactiques peropératoires) ou des causes nettement plus rares comme la rupture de kystes hydatiques, l’anaphylaxie au liquide séminal…
2.6. Anaphylaxies idiopathiques
Dans un certain nombre de cas, enfin, des réactions anaphylactiques surviennent sans cause décelable. L’interrogatoire doit être encore plus minutieux, tout ce qui a été mangé ou bu, injecté les 3 heures qui précèdent chaque épisode doit être relevé et testé. Un examen doit être pratiqué à la recherche des éventuels signes cutanés de mastocytose. La tryptasémie doit être dosée pendant et en dehors des crises.
Le diagnostic d’anaphylaxie idiopathique est bien un diagnostic d’exclusion, il doit être évoqué uniquement après qu’un bilan complet ait éliminé toutes les causes (immunologiques ou non) actuellement connues d’anaphylaxies.
3. Physiopathologie
Le choc anaphylactique met en jeu différents organes comme la peau, les muqueuses respiratoires et digestives, le système cardio-vasculaire et vasculaire cérébral. Les mécanismes sont le plus souvent, mais pas toujours de nature allergique.
3.1. Mécanismes allergiques
L’anaphylaxie apparaît en règle brutalement après le contact avec l’allergène et résulte de la libération de médiateurs biologiquement actifs par les mastocytes et basophiles activés par les IgE. Ainsi, chez un sujet préalablement sensibilisé à un allergène, et ayant synthétisé des IgE spécifiques, la réintroduction de l’allergène dans l’organisme induit le
pontage des IgE fixées sur les mastocytes et les basophiles qui dégranulent brutalement et libèrent massivement leurs médiateurs vaso-actifs dont l’histamine. La sensibilisation
peut se faire vis-à-vis d’un allergène, mais elle peut aussi se faire lors de l’exposition à une molécule différente, mais portant des déterminants moléculaires partagés avec l’allergène responsable de l’accident. C’est le cas de l’allergie aux curares. Dans plus de 50 % des cas, la réaction allergique peut survenir lors de la première administration d’un curare, suggérant une sensibilisation préalable par une substance différente. En effet les curares sont porteurs de deux motifs ammoniums quaternaires (NH4+) très répandus dans notre environnement et qui sont reconnus par les IgE spécifiques au cours des réactions allergiques. Des différences importantes, concernant la fréquence des réactions allergiques impliquant les curares, ont récemment été rapportées : rocuronium et suxaméthonium étant les plus inducteurs de chocs anaphylactiques. La comparaison Norvège- Suède a récemment apporté une explication. Les allergies aux curares représentant près de 90 % des réactions allergiques peranesthésiques en Norvège et de l’ordre de 8 % en Suède et au Danemark [19]. L’hypothèse d’une sensibilisation croisée avec un dérivé de la morphine, la pholcodine, a été proposée après comparaison de l’utilisation dans l’un et l’autre pays de plus de 200 composés porteurs de cet ammonium quaternaire. De façon intéressante, des IgE spécifiques de la morphine ont été décrites comme étant très fréquentes (6 %) dans la population générale de Norvège, où les préparations antitussives contiennent volontiers de la pholcodine, alors qu’elles sont absentes de la population Suédoise où la pholcodine n’est pas en vente libre comme antitussif. Cette hypothèse fait actuellement l’objet d’une étude prospective multicentrique internationale. La Norvège ayant récemment supprimé de la vente libre ces composés voit son incidence de chocs aux curares diminuer.
La libération des médiateurs par des mécanismes antigène- anticorps ou par des mécanismes non spécifiques aboutit aux manifestations primaires de l’anaphylaxie (hypovolémie, hypoperfusion des organes, oedème des voies aériennes, hypoxémie, etc.). La persistance des manifestations primaires, peut entraîner, par des boucles d’amplification, des lésions secondaires (hypoperfusion coronarienne, troubles du rythme cardiaque, arrêt cardio-circulatoire) qui vont évoluer par elles-mêmes lorsqu’elles ne sont pas traitées.
Sur le plan hémodynamique, le choc évolue en deux phases: la première phase est celle d’une vasodilatation généralisée, n’intéressant au début que le système artériel (choc
hyperkinétique) et se traduisant cliniquement par les premiers symptômes du choc : urticaire, angio-oedème, paresthésies distales. La vasodilatation se complète ensuite sur le système capillaire entrainant une hypovolémie relative (choc vasoplégique ou hypovolémique) et se manifestant cliniquement par une hypotension, une tachycardie, des troubles neurologiques (par hypoperfusion cérébrale et peut-être aussi par effet direct des médiateurs libérés) et plus rarement coronariens. L’augmentation de la perméabilité vasculaire est responsable du passage de plasma dans les tissus ou congestion polyviscérale dont la traduction clinique maximale est l’oedème laryngé et l’oblitération des bronchioles. Il peut aussi s’y associer une coagulation intravasculaire
disséminée. Les troubles hémodynamiques exposent à l’arrêt circulatoire.
La sévérité d’une réaction anaphylactique peut varier d’une réaction locale ou généralisée à type d’urticaire aiguë, à une mort brutale en 3 à 4 minutes. Une réaction minime initiale peut s’aggraver dans un deuxième temps et aboutir au choc mortel. Les mécanismes physiopathologiques qui aboutissent au décès après un choc anaphylactique sont mal compris. Dans une étude autopsique portant sur 56 patients décédés après choc anaphylactique secondaire à une piqûre d’hyménoptères, à une ingestion d’aliments ou à
prise de médicaments (dont des médicaments anesthésiques pour 10 patients), il a été montré que des lésions potentiellement réversibles (bronchoconstriction, oedème pulmonaire, hypovolémie, diminution du tonus vasculaire, dysfonction cardiaque) sont responsables des décès dans les chocs anaphylactiques.
Le traitement lui-même, peut entraîner, dans certaines situations et sur certains terrains, des lésions secondaires (par exemple augmentation de la consommation myocardique en oxygène chez des sujets ayant une insuffisance coronarienne après administration de doses trop importantes d’adrénaline).
Les conditions d’urgence dans lesquelles surviennent les chocs anaphylactiques limitent considérablement leur étude en clinique chez l’homme. Ainsi, divers modèles animaux ont été développés pour circonvenir ces difficultés et proposer des mécanismes. Les techniques de knock-out chez la souris et les modèles d’anaphylaxie passive ont permis de proposer plusieurs ligands, récepteurs et cellules à l’origine de l’induction du choc anaphylactique. Il a ainsi été démontré la responsabilité des IgE et l’agrégation de leurs
récepteurs de forte affinité FcεRI à la surface des mastocytes) et ensuite des IgG1 (qui agiraient dans le même sens par la voie de leur récepteurs activateurs de faible affinité
FcγRIIIA, exprimés par de multiples cellules chez la souris, dont les mastocytes, basophiles, monocytes/macrophages, cellules NK et cellules dendritiques). Dans les modèles d’anaphylaxie passive à IgE, l’activation des mastocytes à eux seuls serait responsable du choc, par la libération de médiateurs dont l’histamine, et dans les modèles d’anaphylaxie passive à IgG1, l’activation des basophiles à eux seuls serait responsable du choc, par la libération de médiateurs dont le Platelet Activating Factor (PAF). Le PAF est un médiateur inflammatoire agissant comme un vasodilatateur puissant, susceptible d’entraîner des hypotensions artérielles importantes. Il augmente la perméabilité vasculaire et les fuites liquidiennes extravasculaires, et ainsi l’oedème. Il contracte directement ou indirectement la plupart des fibres lisses, à l’exception des fibres vasculaires. Il contracte donc les fibres bronchiques, en plus augmentant la réactivité des bronches aux autres bronchoconstricteurs.
Chez l’homme, une augmentation du PAF et un déficit en PAF acétyl-hydrolase ont été retrouvés dans le sérum de 41 patients et corrélés à la sévérité du choc anaphylactique. Les résultats obtenus dans des modèles passifs ne corrèlent pas avec les modèles d’anaphylaxie active, dans lesquels le choc est déclenché après immunisation de l’animal
avec l’antigène/allergène. En effet, ni les mastocytes, ni les basophiles, ni les deux cellules ne sont nécessaires à l’induction du choc anaphylactique actif.
D’autres populations cellulaires seraient donc capables, elles aussi, d’induire un choc anaphylactique. Le groupe de Marc Daëron et Pierre Bruhns à l’Institut Pasteur mène un
projet portant sur la capacité des neutrophiles à induire un choc anaphylactique et l’identification des médiateurs responsables.
Les modèles animaux ont également analysé les conséquences du choc et démontré que la succession des différentes phases décrites ci-dessus est extrêmement rapide avec passage en anaérobiose et défaillance multiviscérale, faisant du choc anaphylactique le choc le plus dévastateur qui soit.
3.2. Mécanismes non allergiques
Plusieurs mécanismes non allergiques peuvent entrainer une libération de médiateurs vaso-actifs entrainant les symptômes du choc anaphylactique. On parlait jusqu’à
récemment de « choc anaphylactoïde ». Il peut s’agir d’activation du complément avec libération des anaphylatoxines C3a et C5a (par les dérivés sanguins par exemple), d’histamino-libérations non spécifiques (par les produits de contraste iodés hypertoniques, les opiacés, la vancomycine et même les curares dans 40 % des cas par exemple) et de libération de leucotriènes (par les anti-inflammatoires non stéroïdiens). La sensibilisation n’est donc pas nécessaire et l’accident peut avoir lieu lors d’un premier contact. Ailleurs, aucun mécanisme particulier n’est retrouvé (anaphylaxies à l’effort et anaphylaxies idiopathiques notamment).
4. Diagnostic
4.1. Début des symptômes d’anaphylaxie
Le début des symptômes varie grandement, mais en général de quelques secondes à quelques minutes après le contact allergénique. L’injection intraveineuse s’accompagne
le plus souvent de symptômes rapides, alors que la voie orale donne, en général mais pas toujours, des symptômes
plus retardés (dans les 2-3 premières heures et exceptionnellement au delà). Plus la réaction est rapide, plus grande est la sévérité. Dans de rares cas, l’épisode peut évoluer
sur plusieurs heures, voire disparaître et récidiver dans les 24-36 heures en l’absence de nouveau contact allergénique (anaphylaxie dite biphasique).
4.2. Description des symptômes d’anaphylaxie
Les réactions sont polymorphes car susceptibles d’intéresser tous les appareils. Le diagnostic d’anaphylaxie et de choc anaphylactique doit être évoqué devant l’installation
rapide de signes cardiovasculaires (tachycardie ou bradycardie, pouls petit et filant, tension très instable, puis hypotension franche, collapsus, syncope, troubles du rythmes, voire arrêt cardiaque), de signes respiratoires (oedème laryngé, dont le pronostic peut être vital ; bronchospasmes avec sensation d’oppression thoracique, sibilances, pour le patient anesthésié augmentation des pressions d’insufflation), cutanés (qui sont parmi les plus fréquents, sous forme de prurit palmo-plantaire très évocateur, d’urticaire, d’exanthème localisé ou généralisé, d’oedème localisé sous-cutané ou muqueux voire d’oedème de Quincke : pharyngé avec gène à la déglutition, laryngé avec cornage inspiratoire, cyanose puis syncope et risque de mort par asphyxie). D’autres signes cliniques comme les troubles neurologiques (type confusion ou anxiété, troubles visuels, vertiges, paresthésies des membres, des lèvres, des orbites (en général annonciatrices
de réactions plus graves, confusion et coma) ou signes digestifs (caractérisés par des nausées ou vomissements, des douleurs abdominales et des troubles de transit, voire diarrhées) ne sont pas analysables dans certains cas (voire chez les patients anesthésies). Enfin, l’oligurie ou la coagulation intra-vasculaire disséminée sont des signes trop tardifs
pour être utiles au diagnostic positif initial. Les signes cutanés peuvent être absents au début de la réaction quand une hypotension voire un état de choc survient. Ainsi, le collapsus cardiovasculaire était la seule manifestation chez 61 des 490 patients rapportés en péri-opératoires par Whittington et Fisher. Les signes cutanés peuvent n’apparaître qu’après la mise en route du traitement du choc.
Le plus souvent, on observe une hypotension artérielle associée à une augmentation de la fréquence cardiaque. De même la tachycardie n’est pas obligatoire, et des épisodes de
bradycardie, ou des troubles du rythme auriculaire ou ventriculaire
peuvent survenir, parfois isolés.
Des manifestations cutanées isolées, sans signes cardiovasculaires ou respiratoires associés ne constituent pas une réaction anaphylactique et ne doivent pas être traitées comme une anaphylaxie ou un choc anaphylactique.
4.3. Sévérité des symptômes d’anaphylaxie
Afin de déterminer la gravité d’une anaphylaxie, les signes cliniques peuvent être confrontés à la classification de Ring et Messmer adaptée selon Sampson et al.
(Tableau 1). L’évaluation de la gravité du choc anaphylactique est importante à faire car elle conditionne la stratégie de sa prise en charge. Dans un contexte d’anesthésie générale et d’utilisation de médicaments à effet inotrope négatif, la Société Française d’Anesthésie et Réanimation a adapté la classification de Ring et Messmer dans ses Recommandations pour la Pratique Clinique (Tableau 2).
4.4. Méthodes de diagnostic de l’anaphylaxie
Le diagnostic d’anaphylaxie est en général facile, surtout lorsque les symptômes cardinaux ne font pas défaut. Dans les chocs peropératoires, la peau est recouverte par les champs, le patient est inconscient, souvent intubé et ne peut donc guère s’exprimer. Les dosages d’histaminémie et tryptasémie sont alors très importants. Ils peuvent démontrer, a posteriori, la dégranulation des basophiles et mastocytes.
Normaux, ils n’éliminent cependant pas le diagnostic. Les techniques et le temps de prélèvement est important (Tableau 3). En dehors du contexte peranesthésique,
ces dosages sont moins souvent positifs.
Quelques diagnostics différentiels sont rapidement évoqués. Il faut éliminer un choc vagal (le sujet est alors pâle, en sueurs et se plaint parfois de nausées avant la syncope, le pouls est lent, il n’y a pas de prurit ni de signe cutané ou respiratoire), un choc septique (le contexte est infectieux, la fièvre est intense), un accident vasculaire cérébral (le déficit neurologique est au premier plan), une hypoglycémie (les signes cutanés ou respiratoires sont également absents), un choc cardiogénique (sur infarctus, arythmie), mais aussi parfois un oedème angioneurotique, une tumeur carcinoïde, une mastocytose systémique.
5. Traitement du choc anaphylactique
C’est une urgence médicale et l’efficacité du traitement dépend de la reconnaissance rapide de l’anaphylaxie, de l’arrêt du facteur déclenchant et de l’administration précoce
d’adrénaline.
5.1. Stratégie de prise en charge du choc anaphylactique
Les stratégies proposées pour la prise en charge du choc anaphylactique n’ont pas été validées par des études cliniques prospectives. Les recommandations sont fondées sur la
physiopathologie, la pharmacologie, l’expérience clinique et les opinions des experts ainsi que sur le raisonnement clinique et l’analyse du rapport bénéfice/risque des différentes stratégies thérapeutiques. Les règles décrites ci-dessous viennent d’être mises à jour par la Société Française d’Anesthésie et Réanimation.
Le but du traitement du choc anaphylactique est le rétablissement rapide des fonctions vitales perturbées par le processus d’anaphylaxie afin d’éviter des complications et des
séquelles irréversibles des organes comme le cerveau, le coeur, le rein. Le retard thérapeutique est un facteur de risque de mauvais pronostic. Dans les études animales, il a clairement été montré que le retard avant la réanimation était un facteur péjoratif qui modifiait grandement la réponse à l’adrénaline et la survie des animaux.
5.2. L’adrénaline, traitement clé du choc anaphylactique
L’adrénaline est le médicament le plus efficace contre la vasoplégie et le bronchospasme du fait de son action vasoconstrictrice α (antagonisant la vasodilatation induite par
l’histamine), tonicardiaque ß1 et bronchodilatatrice ß2. Plusieurs voies d’administration sont possibles :
• la voie sous-cutanée longtemps proposée pour sa facilité d’accès et sa supposée rapidité d’injection n’est plus recommandée car les vaisseaux se contractent et autolimitent la quantité administrée, de même que l’importance de la graisse sous-cutanée varie d’une personne à l’autre ;
• la voie intramusculaire est la voix recommandée actuellement; d’utilisation facile, la résorption par les vaisseaux n’est pas limitée. Des travaux réalisés chez l’enfant ont clairement montré que la voie intramusculaire, par rapport à la voie sous-cutanée (sites d’injection non précisés) permettait d’obtenir des concentrations plasmatiques d’adrénaline plus importantes et avec un délai plus court. Ces travaux ont été réalisés chez des enfants ayant des antécédents d’anaphylaxie grave, en dehors d’un choc anaphylactique et suggèrent que la voie intramusculaire (muscle deltoïde recommandé par le groupe d’experts) pourrait permettre d’améliorer l’efficacité clinique de l’adrénaline dans le traitement du choc anaphylactique. Des préparations auto-injectables (Anapen®) permettent au patient et à son entourage de faire une première injection en attendant l’arrivée du médecin ou du SAMU ;
• la voie intraveineuse est à réserver aux chocs sévères, de préférence en milieu de réanimation (sous surveillance des troubles du rythme ventriculaire potentiels);
• la voie sublinguale par dépôt d’adrénaline sous la langue est à déconseiller parce que la quantité absorbée est trop variable ;
• la voie intracardiaque est exceptionnellement nécessaire s’il est impossible de ponctionner les veines collabées.
L’administration d’adrénaline est inutile lorsque les manifestations anaphylactiques sont limitées aux érythèmes cutanés (pas de symptômes respiratoires ni cardiovasculaires
ni d’oedème de l’extrémité céphalique). Une injection de 0,25 à 1 mg en intramusculaire suffit le plus souvent.
Elle sera répétée dans les 15 minutes si la tension ne remonte pas. 100 mmHg pour la pression artérielle systolique suffisent largement à la perfusion des organes nobles. Si l’hypotension artérielle persiste encore, la voie veineuse est utilisée (0,05 à 0,5 μg/kg/min au pousse seringue électrique ou 1 à 2 ml d’une solution de 1 mg dans 10 ml de sérum physiologique éventuellement répétée toutes les 1 à 10 min). Le débat sur les doses d’adrénaline dans la réanimation du choc anaphylactique peut être simplifié par l’utilisation de la titration, c’est-à-dire l’adaptation des doses en fonction de la sévérité du choc. En effet, même en l’absence d’une pathologie cardiovasculaire préexistante, l’injection de 1 mg en bolus par voie intraveineuse peut s’accompagner, y compris chez des patients en état de choc anaphylactique, d’une poussée hypertensive sévère accompagnée de crises convulsives, d’ischémie myocardique par augmentation brutale de
la post-charge et de la fréquence cardiaque, de troubles du rythme ventriculaires graves (tachycardie ou fibrillation ventriculaires). La titration a pour but de tester rapidement
la réponse hémodynamique du patient à de faibles doses d’adrénaline.
Dans certains cas l’adrénaline est inefficace et d’autres vasoconstricteurs sont nécessaires de façon à rétablir une activité cardio-vasculaire. Parmi ces situations, le traitement
chronique par ß-bloquants; l’administration tardive ; l’administration unique d’adrénaline (il ne s’agit pas d’une inefficacité au sens propre du terme mais d’une utilisation inadaptée). Il est licite de mettre en place une perfusion continue d’adrénaline après un deuxième bolus d’adrénaline.
Lorsque la dose d’adrénaline cumulative atteint 5 et 10 mg, il est raisonnable de déclarer l’adrénaline inefficace et de faire appel à un autre vasoconstricteur [35]. Un α-agoniste
pur (phényléphrine) doit être le premier choix, suivi par la noradrénaline ; en l’absence de commercialisation en France de la vasopresine, la terlipressine est la seule solution.
Ils sont souvent mis en plus et non à la place de l’adrénaline.
5.3. Autres mesures d’urgence
Le patient doit être placé en position allongée pour éviter l’hypoperfusion cérébrale (position de Trendelenbourg, surélévation immédiate des membres inférieurs).
Le remplissage vasculaire par une solution macromoléculaire est une mesure importante pour combattre l’extravasation de liquide induite par le choc. La correction de l’hypovolémie dans le choc anaphylactique doit être rapide et efficace (20-30 ml/kg). Les solutés de remplissage à la disposition des cliniciens sont les cristalloïdes et les colloïdes. Il n’existe pas d’études randomisées ayant comparé les deux types de solutés de remplissage dans le contexte du choc anaphylactique. Le principal avantage de la perfusion de cristalloïdes lors de la réanimation du choc anaphylactique est lié à l’absence d’effet allergisant des cristalloïdes, contrairement aux colloïdes, et surtout les gélatines. Compte tenu des mécanismes physiopathologiques responsables de l’hypovolémie, du caractère évolutif du choc anaphylactique, de la demi-vie intra-vasculaire des cristalloïdes et des colloïdes, la solution la plus logique est de débuter l’expansion volémique par les cristalloïdes et de la continuer par des colloïdes
comme les HEA (hydroxyéthylamidons) à condition qu’il ait été possible d’exclure leur implication dans l’accident allergique.
L’oxygénothérapie (≥ 3-5 l/min) est un complément utile après avoir vérifié la liberté des voies aériennes pour réduire les effets de l’hypotension (prévention des complications cardiaques et cérébrales) ou de l’obstruction des voies aériennes.
Un aérosol de bronchodilatateurs (β2-mimétiques) est réalisé en cas de bronchospasme résistant à l’adrénaline.
5.4. Autres thérapeutiques
L’administration d’antihistaminiques H1 de l’histamine à la phase aiguë du choc anaphylactique reste controversée. Ils ne doivent pas être conçus comme un traitement
de la phase aiguë du choc anaphylactique et ne doivent pas se substituer à l’adrénaline. Leur administration peut être envisagée comme un traitement prophylactique de l’évolution tardive du choc anaphylactique, permettant peut-être d’éviter la cyclisation du choc dans les 24 à 48 heures.
Les glucocorticoïdes sont souvent administrés à la phase aiguë du choc anaphylactique bien que leurs effets soient retardés de plusieurs heures. De même ils ne doivent pas être envisagés comme un traitement de la phase aiguë du choc anaphylactique et en aucun cas ils ne peuvent se substituer aux vasoconstricteurs et à l’expansion volémique. Leur administration pourrait être justifiée par la prévention de la phase tardive du choc.
Le profil évolutif du choc anaphylactique décrit plus haut, le risque d’aggravation secondaire et le caractère imprévisible des complications secondaires rende nécessaire
une surveillance prolongée des patients ayant fait un choc anaphylactique. Une surveillance d’au moins 24 heures en réanimation se justifie pour un choc anaphylactique
non compliqué. La prescription d’antihistaminiques et de corticostéroïdes pendant 72 heures est recommandée mais le bénéfice clinique non démontré.
5.5. Le traitement est préventif
L’éviction définitive et absolue de l’agent déclenchant est indispensable. L’enquête allergologique à distance est obligatoire, permettant de mettre en place les mesures de
prévention des récidives.
L’éducation du patient à qui l’on peut remettre une carte d’identité de l’allergique et une liste des produits contreindiqués, est alors indispensable. Une trousse d’urgence
(adrénaline auto-injectable, glucocorticoïdes et antihistaminiques, bronchodilatateurs) est parfois prescrite.
En cas de suspicion d’imputabilité d’un choc anaphylactique à un médicament (produit de remplissage, antibiotique, curare…), il est recommandé de déclarer l’évènement
indésirable à l’AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) qui est l’autorité compétente en matière de pharmacovigilance en France.
Conflits d’intérêt
Aucun.
choc peut ne pas procéder selon un mécanisme immunologique, mais être d’aspect clinique et de traitement identiques (on parlait autrefois de « choc anaphylactoïde »). C’est une urgence médicale. L’efficacité du traitement dépend de sa reconnaissance rapide et de l’injection immédiate d’adrénaline, associée aux mesures de remplissage vasculaire. Les autres thérapeutiques (antihistaminiques, glucocorticoïdes) ne sont pas des médicaments d’urgence. Les étiologies sont nombreuses dominées par les réactions médicamenteuses, les aliments, les venins, le latex. L’enquête allergologique est indispensable, permettant de mettre en place les mesures de prévention des récidives. Ce n’est que récemment que des progrès dans la compréhension de ce choc ont été faits.
Cet article passe en revue les différents aspects, notamment les plus récents, du choc anaphylactique.
La réaction allergique est une réaction immunologique pathologique, lors d’un contact renouvelé avec un antigène, survenant chez un individu sensibilisé. La réaction d’hypersensibilité immédiate peut être allergique (habituellement liée à la présence d’IgE spécifiques, parfois d’IgG) ou non allergique (anciennement « réactions anaphylactoïdes », le plus souvent par histamino-libération non spécifique). L’anaphylaxie ou réaction anaphylactique est un terme réservé à une réaction grave d’hypersensibilité immédiate, allergique ou non allergique. Elle se définit par la combinaison de signes et symptômes atteignant au moins deux organes. La peau (urticaire, angio-oedème) est impliquée dans 90 % des épisodes.
La conjonctivite est inclue dans les atteintes muqueuse. D’autres organes peuvent être impliqués comme les voies aériennes inférieures (dyspnée, sibilances, hypoxémie) chez plus de 50 % des patients, les voies aériennes supérieures (oedème laryngé ou pharyngé, comme l’oedème de la langue) chez un peu plus de 20 % des patients, le tractus gastro-intestinal (nausées, vomissements, diarrhée, douleurs abdominales), et le système cardiovasculaire avec ses conséquences sur la vascularisation cérébrale (malaise, vertiges,
syncope, hypotension et collapsus) chez un tiers des patients. La présence d’une chute tensionnelle n’est pas obligatoire pour parler d’anaphylaxie. La chute tensionnelle définit le choc anaphylactique et peut être isolée sans signes cutanés ou respiratoires (10 %).
2. Épidémiologie et étiologies
Les étiologies sont nombreuses et doivent être recherchées minutieusement à travers l’analyse des circonstances d’apparition du choc. En Angleterre par exemple, où les
hospitalisations pour anaphylaxie ont augmenté ces dernières années (de 56 par million en 1991 à 102 par million en 1995), le travail de Richard Pumphrey sur 214 décès par anaphylaxies (de 1992 à 2001) montre que les médicaments sont la première cause suivis par les aliments et les piqûres d’insectes. Ce sont donc, par ordre de fréquence les médicaments, les aliments, les venins d’insectes, l’effort physique.
2.1. Médicaments
Ils représentent les agents les plus fréquemment impliqués, avec principalement les ß-lactamines et les myorelaxants.
Les injections d’extraits allergéniques au cours de la désensibilisation spécifique sont également capables d’induire des réactions anaphylactiques. L’utilisation plus fréquente
actuellement des céphalosporines est responsable de l’émergence de cas à ces médicaments. Il en va de même pour les quinolones. En péri-anesthésie, on a vu apparaître des cas d’anaphylaxie au bleu patenté violet utilisé pour repérer le ganglion sentinelle au cours des chirurgies de cancers du sein ou de mélanomes.
2.2. Aliments
Pratiquement tout aliment peut entrainer une réaction anaphylactique, mais les aliments les plus souvent responsables sont l’arachide, l’oeuf, les noix, le poisson, les crustacés.
Ils représentent selon les études (et les pays) 10 à 41 % des chocs anaphylactiques. Bock rapporte 32 cas de décès par allergie alimentaire répertoriés, entre 1994 et 1999, dans le registre national établi par l’American Academy of Allergy, Asthma and Immunology [10]. L’anaphylaxie alimentaire sévère est en progression importante depuis le début des années 2000 : d’un facteur 5 en Australie dans la population pédiatrique entre 1994 et 2004 et 7 au Royaume-Uni chez les enfants de moins de 14 ans entre les années 1990-2001 et 2003-2004 [11]. Depuis 2002, le Réseau d’Allergovigilance a rapporté de nombreux cas
d’anaphylaxies sévères dues à des allergènes récents : mollusques (37 cas), farine de lupin (28), noix de cajou (28), laits de chèvre et de brebis (14), sarrasin (25), isolats de blé
(11). En 2007 ont été publiés les premiers cas d’anaphylaxie à des allergènes émergents tels que le quinoa, l’orge vert, la grenouille, la carotte et des fruits comme l’orange et la nectarine.
2.3. Venins d’insectes
Les venins, principalement d’hyménoptères (abeilles, guêpes, frelons), représentent une cause fréquente d’anaphylaxie.
En Suisse c’est la première cause de réactions anaphylactiques sévères responsables de décès chaque année. L’âge et les pathologies cardiovasculaires associées sont des facteurs de risque de décès. Dans une étude récente, 11,6 % de ces anaphylaxies (44/379) avaient un taux élevé de tryptase sérique, correspondant deux fois sur trois à une mastocytose systémique.
2.4. Anaphylaxie induite par l’effort
Un choc anaphylactique (souvent moyennement sévère) peut survenir au cours de l’effort (et ne pas se répéter forcément après tous les efforts). Il peut n’apparaître qu’après
l’ingestion de certains aliments (fruits, coquillages notamment) associés ou non à la prise d’anti-inflammatoires non stéroïdiens. Plusieurs aliments ont été impliqués et peuvent
donner lieu à des manifestations de gravité variable.
Dans le cas spécifique de celle liée au blé, l’exercice est responsable de l’activation de l’enzyme intestinale transglutaminase qui, à son tour, forme un agrégat peptidique avec la fraction omega-5 (gliadine) des protéines du blé se liant alors avec une forte affinité aux IgE spécifiques.
2.5. Autres étiologies
Parmi les autres étiologies on peut mentionner, le latex (2e cause de chocs anaphylactiques peropératoires) ou des causes nettement plus rares comme la rupture de kystes hydatiques, l’anaphylaxie au liquide séminal…
2.6. Anaphylaxies idiopathiques
Dans un certain nombre de cas, enfin, des réactions anaphylactiques surviennent sans cause décelable. L’interrogatoire doit être encore plus minutieux, tout ce qui a été mangé ou bu, injecté les 3 heures qui précèdent chaque épisode doit être relevé et testé. Un examen doit être pratiqué à la recherche des éventuels signes cutanés de mastocytose. La tryptasémie doit être dosée pendant et en dehors des crises.
Le diagnostic d’anaphylaxie idiopathique est bien un diagnostic d’exclusion, il doit être évoqué uniquement après qu’un bilan complet ait éliminé toutes les causes (immunologiques ou non) actuellement connues d’anaphylaxies.
3. Physiopathologie
Le choc anaphylactique met en jeu différents organes comme la peau, les muqueuses respiratoires et digestives, le système cardio-vasculaire et vasculaire cérébral. Les mécanismes sont le plus souvent, mais pas toujours de nature allergique.
3.1. Mécanismes allergiques
L’anaphylaxie apparaît en règle brutalement après le contact avec l’allergène et résulte de la libération de médiateurs biologiquement actifs par les mastocytes et basophiles activés par les IgE. Ainsi, chez un sujet préalablement sensibilisé à un allergène, et ayant synthétisé des IgE spécifiques, la réintroduction de l’allergène dans l’organisme induit le
pontage des IgE fixées sur les mastocytes et les basophiles qui dégranulent brutalement et libèrent massivement leurs médiateurs vaso-actifs dont l’histamine. La sensibilisation
peut se faire vis-à-vis d’un allergène, mais elle peut aussi se faire lors de l’exposition à une molécule différente, mais portant des déterminants moléculaires partagés avec l’allergène responsable de l’accident. C’est le cas de l’allergie aux curares. Dans plus de 50 % des cas, la réaction allergique peut survenir lors de la première administration d’un curare, suggérant une sensibilisation préalable par une substance différente. En effet les curares sont porteurs de deux motifs ammoniums quaternaires (NH4+) très répandus dans notre environnement et qui sont reconnus par les IgE spécifiques au cours des réactions allergiques. Des différences importantes, concernant la fréquence des réactions allergiques impliquant les curares, ont récemment été rapportées : rocuronium et suxaméthonium étant les plus inducteurs de chocs anaphylactiques. La comparaison Norvège- Suède a récemment apporté une explication. Les allergies aux curares représentant près de 90 % des réactions allergiques peranesthésiques en Norvège et de l’ordre de 8 % en Suède et au Danemark [19]. L’hypothèse d’une sensibilisation croisée avec un dérivé de la morphine, la pholcodine, a été proposée après comparaison de l’utilisation dans l’un et l’autre pays de plus de 200 composés porteurs de cet ammonium quaternaire. De façon intéressante, des IgE spécifiques de la morphine ont été décrites comme étant très fréquentes (6 %) dans la population générale de Norvège, où les préparations antitussives contiennent volontiers de la pholcodine, alors qu’elles sont absentes de la population Suédoise où la pholcodine n’est pas en vente libre comme antitussif. Cette hypothèse fait actuellement l’objet d’une étude prospective multicentrique internationale. La Norvège ayant récemment supprimé de la vente libre ces composés voit son incidence de chocs aux curares diminuer.
La libération des médiateurs par des mécanismes antigène- anticorps ou par des mécanismes non spécifiques aboutit aux manifestations primaires de l’anaphylaxie (hypovolémie, hypoperfusion des organes, oedème des voies aériennes, hypoxémie, etc.). La persistance des manifestations primaires, peut entraîner, par des boucles d’amplification, des lésions secondaires (hypoperfusion coronarienne, troubles du rythme cardiaque, arrêt cardio-circulatoire) qui vont évoluer par elles-mêmes lorsqu’elles ne sont pas traitées.
Sur le plan hémodynamique, le choc évolue en deux phases: la première phase est celle d’une vasodilatation généralisée, n’intéressant au début que le système artériel (choc
hyperkinétique) et se traduisant cliniquement par les premiers symptômes du choc : urticaire, angio-oedème, paresthésies distales. La vasodilatation se complète ensuite sur le système capillaire entrainant une hypovolémie relative (choc vasoplégique ou hypovolémique) et se manifestant cliniquement par une hypotension, une tachycardie, des troubles neurologiques (par hypoperfusion cérébrale et peut-être aussi par effet direct des médiateurs libérés) et plus rarement coronariens. L’augmentation de la perméabilité vasculaire est responsable du passage de plasma dans les tissus ou congestion polyviscérale dont la traduction clinique maximale est l’oedème laryngé et l’oblitération des bronchioles. Il peut aussi s’y associer une coagulation intravasculaire
disséminée. Les troubles hémodynamiques exposent à l’arrêt circulatoire.
La sévérité d’une réaction anaphylactique peut varier d’une réaction locale ou généralisée à type d’urticaire aiguë, à une mort brutale en 3 à 4 minutes. Une réaction minime initiale peut s’aggraver dans un deuxième temps et aboutir au choc mortel. Les mécanismes physiopathologiques qui aboutissent au décès après un choc anaphylactique sont mal compris. Dans une étude autopsique portant sur 56 patients décédés après choc anaphylactique secondaire à une piqûre d’hyménoptères, à une ingestion d’aliments ou à
prise de médicaments (dont des médicaments anesthésiques pour 10 patients), il a été montré que des lésions potentiellement réversibles (bronchoconstriction, oedème pulmonaire, hypovolémie, diminution du tonus vasculaire, dysfonction cardiaque) sont responsables des décès dans les chocs anaphylactiques.
Le traitement lui-même, peut entraîner, dans certaines situations et sur certains terrains, des lésions secondaires (par exemple augmentation de la consommation myocardique en oxygène chez des sujets ayant une insuffisance coronarienne après administration de doses trop importantes d’adrénaline).
Les conditions d’urgence dans lesquelles surviennent les chocs anaphylactiques limitent considérablement leur étude en clinique chez l’homme. Ainsi, divers modèles animaux ont été développés pour circonvenir ces difficultés et proposer des mécanismes. Les techniques de knock-out chez la souris et les modèles d’anaphylaxie passive ont permis de proposer plusieurs ligands, récepteurs et cellules à l’origine de l’induction du choc anaphylactique. Il a ainsi été démontré la responsabilité des IgE et l’agrégation de leurs
récepteurs de forte affinité FcεRI à la surface des mastocytes) et ensuite des IgG1 (qui agiraient dans le même sens par la voie de leur récepteurs activateurs de faible affinité
FcγRIIIA, exprimés par de multiples cellules chez la souris, dont les mastocytes, basophiles, monocytes/macrophages, cellules NK et cellules dendritiques). Dans les modèles d’anaphylaxie passive à IgE, l’activation des mastocytes à eux seuls serait responsable du choc, par la libération de médiateurs dont l’histamine, et dans les modèles d’anaphylaxie passive à IgG1, l’activation des basophiles à eux seuls serait responsable du choc, par la libération de médiateurs dont le Platelet Activating Factor (PAF). Le PAF est un médiateur inflammatoire agissant comme un vasodilatateur puissant, susceptible d’entraîner des hypotensions artérielles importantes. Il augmente la perméabilité vasculaire et les fuites liquidiennes extravasculaires, et ainsi l’oedème. Il contracte directement ou indirectement la plupart des fibres lisses, à l’exception des fibres vasculaires. Il contracte donc les fibres bronchiques, en plus augmentant la réactivité des bronches aux autres bronchoconstricteurs.
Chez l’homme, une augmentation du PAF et un déficit en PAF acétyl-hydrolase ont été retrouvés dans le sérum de 41 patients et corrélés à la sévérité du choc anaphylactique. Les résultats obtenus dans des modèles passifs ne corrèlent pas avec les modèles d’anaphylaxie active, dans lesquels le choc est déclenché après immunisation de l’animal
avec l’antigène/allergène. En effet, ni les mastocytes, ni les basophiles, ni les deux cellules ne sont nécessaires à l’induction du choc anaphylactique actif.
D’autres populations cellulaires seraient donc capables, elles aussi, d’induire un choc anaphylactique. Le groupe de Marc Daëron et Pierre Bruhns à l’Institut Pasteur mène un
projet portant sur la capacité des neutrophiles à induire un choc anaphylactique et l’identification des médiateurs responsables.
Les modèles animaux ont également analysé les conséquences du choc et démontré que la succession des différentes phases décrites ci-dessus est extrêmement rapide avec passage en anaérobiose et défaillance multiviscérale, faisant du choc anaphylactique le choc le plus dévastateur qui soit.
3.2. Mécanismes non allergiques
Plusieurs mécanismes non allergiques peuvent entrainer une libération de médiateurs vaso-actifs entrainant les symptômes du choc anaphylactique. On parlait jusqu’à
récemment de « choc anaphylactoïde ». Il peut s’agir d’activation du complément avec libération des anaphylatoxines C3a et C5a (par les dérivés sanguins par exemple), d’histamino-libérations non spécifiques (par les produits de contraste iodés hypertoniques, les opiacés, la vancomycine et même les curares dans 40 % des cas par exemple) et de libération de leucotriènes (par les anti-inflammatoires non stéroïdiens). La sensibilisation n’est donc pas nécessaire et l’accident peut avoir lieu lors d’un premier contact. Ailleurs, aucun mécanisme particulier n’est retrouvé (anaphylaxies à l’effort et anaphylaxies idiopathiques notamment).
4. Diagnostic
4.1. Début des symptômes d’anaphylaxie
Le début des symptômes varie grandement, mais en général de quelques secondes à quelques minutes après le contact allergénique. L’injection intraveineuse s’accompagne
le plus souvent de symptômes rapides, alors que la voie orale donne, en général mais pas toujours, des symptômes
plus retardés (dans les 2-3 premières heures et exceptionnellement au delà). Plus la réaction est rapide, plus grande est la sévérité. Dans de rares cas, l’épisode peut évoluer
sur plusieurs heures, voire disparaître et récidiver dans les 24-36 heures en l’absence de nouveau contact allergénique (anaphylaxie dite biphasique).
4.2. Description des symptômes d’anaphylaxie
Les réactions sont polymorphes car susceptibles d’intéresser tous les appareils. Le diagnostic d’anaphylaxie et de choc anaphylactique doit être évoqué devant l’installation
rapide de signes cardiovasculaires (tachycardie ou bradycardie, pouls petit et filant, tension très instable, puis hypotension franche, collapsus, syncope, troubles du rythmes, voire arrêt cardiaque), de signes respiratoires (oedème laryngé, dont le pronostic peut être vital ; bronchospasmes avec sensation d’oppression thoracique, sibilances, pour le patient anesthésié augmentation des pressions d’insufflation), cutanés (qui sont parmi les plus fréquents, sous forme de prurit palmo-plantaire très évocateur, d’urticaire, d’exanthème localisé ou généralisé, d’oedème localisé sous-cutané ou muqueux voire d’oedème de Quincke : pharyngé avec gène à la déglutition, laryngé avec cornage inspiratoire, cyanose puis syncope et risque de mort par asphyxie). D’autres signes cliniques comme les troubles neurologiques (type confusion ou anxiété, troubles visuels, vertiges, paresthésies des membres, des lèvres, des orbites (en général annonciatrices
de réactions plus graves, confusion et coma) ou signes digestifs (caractérisés par des nausées ou vomissements, des douleurs abdominales et des troubles de transit, voire diarrhées) ne sont pas analysables dans certains cas (voire chez les patients anesthésies). Enfin, l’oligurie ou la coagulation intra-vasculaire disséminée sont des signes trop tardifs
pour être utiles au diagnostic positif initial. Les signes cutanés peuvent être absents au début de la réaction quand une hypotension voire un état de choc survient. Ainsi, le collapsus cardiovasculaire était la seule manifestation chez 61 des 490 patients rapportés en péri-opératoires par Whittington et Fisher. Les signes cutanés peuvent n’apparaître qu’après la mise en route du traitement du choc.
Le plus souvent, on observe une hypotension artérielle associée à une augmentation de la fréquence cardiaque. De même la tachycardie n’est pas obligatoire, et des épisodes de
bradycardie, ou des troubles du rythme auriculaire ou ventriculaire
peuvent survenir, parfois isolés.
Des manifestations cutanées isolées, sans signes cardiovasculaires ou respiratoires associés ne constituent pas une réaction anaphylactique et ne doivent pas être traitées comme une anaphylaxie ou un choc anaphylactique.
4.3. Sévérité des symptômes d’anaphylaxie
Afin de déterminer la gravité d’une anaphylaxie, les signes cliniques peuvent être confrontés à la classification de Ring et Messmer adaptée selon Sampson et al.
(Tableau 1). L’évaluation de la gravité du choc anaphylactique est importante à faire car elle conditionne la stratégie de sa prise en charge. Dans un contexte d’anesthésie générale et d’utilisation de médicaments à effet inotrope négatif, la Société Française d’Anesthésie et Réanimation a adapté la classification de Ring et Messmer dans ses Recommandations pour la Pratique Clinique (Tableau 2).
4.4. Méthodes de diagnostic de l’anaphylaxie
Le diagnostic d’anaphylaxie est en général facile, surtout lorsque les symptômes cardinaux ne font pas défaut. Dans les chocs peropératoires, la peau est recouverte par les champs, le patient est inconscient, souvent intubé et ne peut donc guère s’exprimer. Les dosages d’histaminémie et tryptasémie sont alors très importants. Ils peuvent démontrer, a posteriori, la dégranulation des basophiles et mastocytes.
Normaux, ils n’éliminent cependant pas le diagnostic. Les techniques et le temps de prélèvement est important (Tableau 3). En dehors du contexte peranesthésique,
ces dosages sont moins souvent positifs.
Quelques diagnostics différentiels sont rapidement évoqués. Il faut éliminer un choc vagal (le sujet est alors pâle, en sueurs et se plaint parfois de nausées avant la syncope, le pouls est lent, il n’y a pas de prurit ni de signe cutané ou respiratoire), un choc septique (le contexte est infectieux, la fièvre est intense), un accident vasculaire cérébral (le déficit neurologique est au premier plan), une hypoglycémie (les signes cutanés ou respiratoires sont également absents), un choc cardiogénique (sur infarctus, arythmie), mais aussi parfois un oedème angioneurotique, une tumeur carcinoïde, une mastocytose systémique.
5. Traitement du choc anaphylactique
C’est une urgence médicale et l’efficacité du traitement dépend de la reconnaissance rapide de l’anaphylaxie, de l’arrêt du facteur déclenchant et de l’administration précoce
d’adrénaline.
5.1. Stratégie de prise en charge du choc anaphylactique
Les stratégies proposées pour la prise en charge du choc anaphylactique n’ont pas été validées par des études cliniques prospectives. Les recommandations sont fondées sur la
physiopathologie, la pharmacologie, l’expérience clinique et les opinions des experts ainsi que sur le raisonnement clinique et l’analyse du rapport bénéfice/risque des différentes stratégies thérapeutiques. Les règles décrites ci-dessous viennent d’être mises à jour par la Société Française d’Anesthésie et Réanimation.
Le but du traitement du choc anaphylactique est le rétablissement rapide des fonctions vitales perturbées par le processus d’anaphylaxie afin d’éviter des complications et des
séquelles irréversibles des organes comme le cerveau, le coeur, le rein. Le retard thérapeutique est un facteur de risque de mauvais pronostic. Dans les études animales, il a clairement été montré que le retard avant la réanimation était un facteur péjoratif qui modifiait grandement la réponse à l’adrénaline et la survie des animaux.
5.2. L’adrénaline, traitement clé du choc anaphylactique
L’adrénaline est le médicament le plus efficace contre la vasoplégie et le bronchospasme du fait de son action vasoconstrictrice α (antagonisant la vasodilatation induite par
l’histamine), tonicardiaque ß1 et bronchodilatatrice ß2. Plusieurs voies d’administration sont possibles :
• la voie sous-cutanée longtemps proposée pour sa facilité d’accès et sa supposée rapidité d’injection n’est plus recommandée car les vaisseaux se contractent et autolimitent la quantité administrée, de même que l’importance de la graisse sous-cutanée varie d’une personne à l’autre ;
• la voie intramusculaire est la voix recommandée actuellement; d’utilisation facile, la résorption par les vaisseaux n’est pas limitée. Des travaux réalisés chez l’enfant ont clairement montré que la voie intramusculaire, par rapport à la voie sous-cutanée (sites d’injection non précisés) permettait d’obtenir des concentrations plasmatiques d’adrénaline plus importantes et avec un délai plus court. Ces travaux ont été réalisés chez des enfants ayant des antécédents d’anaphylaxie grave, en dehors d’un choc anaphylactique et suggèrent que la voie intramusculaire (muscle deltoïde recommandé par le groupe d’experts) pourrait permettre d’améliorer l’efficacité clinique de l’adrénaline dans le traitement du choc anaphylactique. Des préparations auto-injectables (Anapen®) permettent au patient et à son entourage de faire une première injection en attendant l’arrivée du médecin ou du SAMU ;
• la voie intraveineuse est à réserver aux chocs sévères, de préférence en milieu de réanimation (sous surveillance des troubles du rythme ventriculaire potentiels);
• la voie sublinguale par dépôt d’adrénaline sous la langue est à déconseiller parce que la quantité absorbée est trop variable ;
• la voie intracardiaque est exceptionnellement nécessaire s’il est impossible de ponctionner les veines collabées.
L’administration d’adrénaline est inutile lorsque les manifestations anaphylactiques sont limitées aux érythèmes cutanés (pas de symptômes respiratoires ni cardiovasculaires
ni d’oedème de l’extrémité céphalique). Une injection de 0,25 à 1 mg en intramusculaire suffit le plus souvent.
Elle sera répétée dans les 15 minutes si la tension ne remonte pas. 100 mmHg pour la pression artérielle systolique suffisent largement à la perfusion des organes nobles. Si l’hypotension artérielle persiste encore, la voie veineuse est utilisée (0,05 à 0,5 μg/kg/min au pousse seringue électrique ou 1 à 2 ml d’une solution de 1 mg dans 10 ml de sérum physiologique éventuellement répétée toutes les 1 à 10 min). Le débat sur les doses d’adrénaline dans la réanimation du choc anaphylactique peut être simplifié par l’utilisation de la titration, c’est-à-dire l’adaptation des doses en fonction de la sévérité du choc. En effet, même en l’absence d’une pathologie cardiovasculaire préexistante, l’injection de 1 mg en bolus par voie intraveineuse peut s’accompagner, y compris chez des patients en état de choc anaphylactique, d’une poussée hypertensive sévère accompagnée de crises convulsives, d’ischémie myocardique par augmentation brutale de
la post-charge et de la fréquence cardiaque, de troubles du rythme ventriculaires graves (tachycardie ou fibrillation ventriculaires). La titration a pour but de tester rapidement
la réponse hémodynamique du patient à de faibles doses d’adrénaline.
Dans certains cas l’adrénaline est inefficace et d’autres vasoconstricteurs sont nécessaires de façon à rétablir une activité cardio-vasculaire. Parmi ces situations, le traitement
chronique par ß-bloquants; l’administration tardive ; l’administration unique d’adrénaline (il ne s’agit pas d’une inefficacité au sens propre du terme mais d’une utilisation inadaptée). Il est licite de mettre en place une perfusion continue d’adrénaline après un deuxième bolus d’adrénaline.
Lorsque la dose d’adrénaline cumulative atteint 5 et 10 mg, il est raisonnable de déclarer l’adrénaline inefficace et de faire appel à un autre vasoconstricteur [35]. Un α-agoniste
pur (phényléphrine) doit être le premier choix, suivi par la noradrénaline ; en l’absence de commercialisation en France de la vasopresine, la terlipressine est la seule solution.
Ils sont souvent mis en plus et non à la place de l’adrénaline.
5.3. Autres mesures d’urgence
Le patient doit être placé en position allongée pour éviter l’hypoperfusion cérébrale (position de Trendelenbourg, surélévation immédiate des membres inférieurs).
Le remplissage vasculaire par une solution macromoléculaire est une mesure importante pour combattre l’extravasation de liquide induite par le choc. La correction de l’hypovolémie dans le choc anaphylactique doit être rapide et efficace (20-30 ml/kg). Les solutés de remplissage à la disposition des cliniciens sont les cristalloïdes et les colloïdes. Il n’existe pas d’études randomisées ayant comparé les deux types de solutés de remplissage dans le contexte du choc anaphylactique. Le principal avantage de la perfusion de cristalloïdes lors de la réanimation du choc anaphylactique est lié à l’absence d’effet allergisant des cristalloïdes, contrairement aux colloïdes, et surtout les gélatines. Compte tenu des mécanismes physiopathologiques responsables de l’hypovolémie, du caractère évolutif du choc anaphylactique, de la demi-vie intra-vasculaire des cristalloïdes et des colloïdes, la solution la plus logique est de débuter l’expansion volémique par les cristalloïdes et de la continuer par des colloïdes
comme les HEA (hydroxyéthylamidons) à condition qu’il ait été possible d’exclure leur implication dans l’accident allergique.
L’oxygénothérapie (≥ 3-5 l/min) est un complément utile après avoir vérifié la liberté des voies aériennes pour réduire les effets de l’hypotension (prévention des complications cardiaques et cérébrales) ou de l’obstruction des voies aériennes.
Un aérosol de bronchodilatateurs (β2-mimétiques) est réalisé en cas de bronchospasme résistant à l’adrénaline.
5.4. Autres thérapeutiques
L’administration d’antihistaminiques H1 de l’histamine à la phase aiguë du choc anaphylactique reste controversée. Ils ne doivent pas être conçus comme un traitement
de la phase aiguë du choc anaphylactique et ne doivent pas se substituer à l’adrénaline. Leur administration peut être envisagée comme un traitement prophylactique de l’évolution tardive du choc anaphylactique, permettant peut-être d’éviter la cyclisation du choc dans les 24 à 48 heures.
Les glucocorticoïdes sont souvent administrés à la phase aiguë du choc anaphylactique bien que leurs effets soient retardés de plusieurs heures. De même ils ne doivent pas être envisagés comme un traitement de la phase aiguë du choc anaphylactique et en aucun cas ils ne peuvent se substituer aux vasoconstricteurs et à l’expansion volémique. Leur administration pourrait être justifiée par la prévention de la phase tardive du choc.
Le profil évolutif du choc anaphylactique décrit plus haut, le risque d’aggravation secondaire et le caractère imprévisible des complications secondaires rende nécessaire
une surveillance prolongée des patients ayant fait un choc anaphylactique. Une surveillance d’au moins 24 heures en réanimation se justifie pour un choc anaphylactique
non compliqué. La prescription d’antihistaminiques et de corticostéroïdes pendant 72 heures est recommandée mais le bénéfice clinique non démontré.
5.5. Le traitement est préventif
L’éviction définitive et absolue de l’agent déclenchant est indispensable. L’enquête allergologique à distance est obligatoire, permettant de mettre en place les mesures de
prévention des récidives.
L’éducation du patient à qui l’on peut remettre une carte d’identité de l’allergique et une liste des produits contreindiqués, est alors indispensable. Une trousse d’urgence
(adrénaline auto-injectable, glucocorticoïdes et antihistaminiques, bronchodilatateurs) est parfois prescrite.
En cas de suspicion d’imputabilité d’un choc anaphylactique à un médicament (produit de remplissage, antibiotique, curare…), il est recommandé de déclarer l’évènement
indésirable à l’AFSSAPS (Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé) qui est l’autorité compétente en matière de pharmacovigilance en France.
Conflits d’intérêt
Aucun.
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